Des équipes du service de rhumatologie et du centre de référence maladies systémiques auto-immunes rares de l’hôpital Cochin AP-HP et de l’Université Paris Descartes, en collaboration avec l’unité de recherche clinique des hôpitaux universitaires Paris Seine-Saint-Denis AP-HP et de l’université Paris 13, ont mis en évidence les bénéfices cutanés du rituximab, une immunothérapie par anticorps, dans le traitement de la sclérodermie systémique, une maladie rare grave qui affecte le tissu chargé de protéger et soutenir la structure des organes. Cette immunothérapie ciblée anti-CD20 est déjà couramment utilisée pour d’autres maladies auto-immunes comme la polyarthrite rhumatoïde ou le lupus systémique. L’étude a fait l’objet d’une publication dans la revue Annals of Rheumatic Diseases.
La sclérodermie systémique est une maladie rare (100 à 200 cas par millions d’habitants en France) grave du tissu soutenant les organes (tissu conjonctif) et des petites artères. Elle est systémique parce qu’elle peut affecter la peau, le cœur, les reins, les articulations, et les poumons. Elle a le plus mauvais pronostic de l’ensemble des maladies auto-immunes, caractérisées par un dysfonctionnement du système immunitaire, avec un risque de mortalité particulièrement élevé. Ses complications vasculaires peuvent aujourd’hui être traitées par différents vasodilatateurs et ses formes précoces par différents immunosuppresseurs. Il n'existe toutefois pas à ce jour de médicament dit de fond permettant de ralentir la progression de la maladie, les médicaments prescrits ont pour but de réduire l'inflammation et les symptômes associés.
Atteinte pulmonaire interstitielle au cours de la sclérodermie systémique
Le rituximab est un anticorps monoclonal dirigé spécifiquement contre les lymphocytes B producteurs d’anticorps toxiques. Cette immunothérapie ciblée anti-CD20 est couramment utilisé dans des maladies proches de la sclérodermie systémique, comme la polyarthrite rhumatoïde (maladie inflammatoire chronique et destructrice des articulations) ou le lupus systémique (maladie auto-immune qui débute par des manifestations cutanées puis touche de nombreux organes). Elle peut être proposée aux patients atteints de sclérodermie systémique. Toutefois aucun essai randomisé n’a été à ce jour réalisé pour évaluer ses effets dans le traitement de cette pathologie.
Coordonnées par le Pr Yannick Allanore, des équipes du service de rhumatologie et du centre de référence maladies systémiques auto-immunes rares de l’hôpital Cochin AP-HP et de l’Université Paris Descartes, en collaboration avec l’unité de recherche clinique – Université Paris 13 / Hôpital Avicenne AP-HP, ont évalué les effets du rituximab dans le traitement de la sclérodermie systémique, en s’appuyant sur la base de données européennes du groupe « European Scleroderma Trials and Research » (EUSTAR)*.
Les équipes ont identifié, parmi plus de 16 000 patients souffrant de sclérodermie systémique recensés, 254 patients ayant reçu du rituximab et pour lesquels un suivi longitudinal était disponible. Le traitement avait été prescrit prioritairement pour une atteinte pulmonaire (58%) ou pour une atteinte cutanée (32%).
Après un suivi médian de deux ans, la tolérance était satisfaisante avec aucun événement inattendu chez ces patients et l’absence de tout effet indésirable chez 70% des malades. Des effets indésirables sérieux étaient rapportés chez 36 (14%) patients et ont conduit à l’arrêt du traitement chez 24 (9%) patients. Ils n’étaient pas reliés au produit à l’étude dans la grande majorité des cas.
Les équipes ont aussi, à partir de cette base, utilisé un score de propension afin d’identifier des patients atteints de sclérodermie systémique, n’ayant pas reçu de rituximab mais enregistrant les mêmes caractéristiques que les patients traités par cette immunothérapie. Elles ont ainsi observé un bénéfice dermatologique dans le groupe recevant le rituximab (22 vs 14 répondeurs pour 100 patients) mais n’ont pas noté de différence dans la progression de l’atteinte pulmonaire interstitielle. Toutefois, un traitement associant rituximab et mycophénolate mofétyl tendaient à améliorer l’état pulmonaire des patients. Il existait également une proportion plus grande de patients pouvant diminuer ou arrêter les corticoïdes oraux parfois donnés en cas d’atteintes articulaires ou pulmonaires dans le groupe de patients recevant le rituximab.
Ces résultats montrent une tolérance satisfaisante du rituximab par les patients traités pour une sclérodermie systémique et mettent plus particulièrement en évidence l’existence d'un bénéfice cutané du traitement. Ils ouvrent des perspectives pour l’utilisation du rituximab dans cette affection rare, sévère, et pour laquelle il n’existe pas aujourd’hui de traitement de fond.
Sources:
Outcomes of patients with systemic sclerosis treated with rituximab in contemporary practice: a prospective cohort study
http://dx.doi.org/10.1136/annrheumdis-2018-214816