L’équipe de cardiologie interventionnelle de l’hôpital Henri-Mondor AP-HP, coordonnée par les docteurs Madjid Boukantar, Paul-Matthieu Chiaroni et le professeur Emmanuel Teiger, a étudié la sécurité et le confort d’une stratégie d’alimentation libre par rapport au jeûne traditionnel (supérieur à six heures pour les aliments solides et les liquides) avant les interventions coronariennes percutanées.
Les résultats de cette étude ont fait l’objet d’une publication parue le 31 mai 2024 dans la revue JACC Cardiovascular interventions.
Les interventions coronariennes (coronarographies/angioplasties) sont généralement réalisées sur des patients à jeun. Cette pratique est la règle, malgré le manque de preuves scientifiques, car elle permettrait de réduire le risque d’inhalation en cas de complications graves nécessitant une intubation. Il s’agit d’une supposition des pratiques d'usage avant une anesthésie générale, mais les procédures coronaires sont faites sous anesthésie locale, le plus souvent par voie radiale et les complications nécessitant une réanimation sont exceptionnelles.
L’essai de non-inferiorité¹ a inclus 739 patients, randomisés en deux groupes : les patients à jeun au moins six heures avant la procédure et les patients libres de manger et boire le jour de la procédure (non à jeun). L’étude a inclus 517 coronarographies et 222 angioplasties parfois complexes. Le critère de jugement principal était un critère composite associant malaise vagal, hypoglycémie et nausées/vomissements isolés.
Ce critère de jugement est survenu chez 8,2 % des patients non à jeun et chez 9,9 % des patients à jeun. Il n’y a pas eu de différence constatée en termes d'effets indésirables entre les deux groupes. Dans le groupe des patients non à jeun, les patients ressentaient moins la faim et la soif le jour de l'examen et ne souhaitaient pas être à jeun en cas d'examen à venir.
Cette étude a démontré la sécurité d’une alimentation libre avant une procédure coronaire percutanée, pour un meilleur confort des patients. Mettre les patients à jeun requiert une logistique supplémentaire pour le personnel médical (prescription médicale de la mise à jeun) et paramédicale (attribution des repas …) sans bénéfice démontré pour les patients. Un certain nombre d’examens peuvent être annulés en cas d’incompréhension des consignes. Il existe donc un véritable intérêt à permettre aux patients de s’alimenter librement avant une procédure coronaire. Ce changement de pratique profitera aux patients tout en simplifiant l’organisation des services.
1. Les essais de non-infériorité sont indiqués pour rendre disponible un nouveau traitement au moins aussi efficace que le traitement de référence dans une indication donnée, tout en apportant une amélioration en termes de sécurité ou de confort.
Références : Madjid Boukantar, Paul-Matthieu Chiaroni, Romain Gallet, Patrick Zamora, Tony Truong, Andrea Mangiameli, Laura Rostain, Anne-Sophie Tuffreau-Martin, Pierre-André Natella, Nadia Oubaya, Emmanuel Teiger, - JACC Cardiovascular interventions