
Alors que le prix Nobel 2018 de médecine a permis de mettre en avant les promesses de l’immunothérapie en cancérologie, les travaux d’une équipe internationale apportent un nouvel éclairage sur une molécule appelée TIM-3 qui jouerait un rôle clé dans la régulation de la réponse immunitaire.
Des scientifiques et médecins de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) et de l’Hôpital de Montréal pour enfants du CUSM (HME-CUSM), de l’Université McGill, en collaboration avec des équipes françaises de l'AP-HP (hôpital Necker-Enfants malades et Saint-Louis), de l’Inserm, de l’Université Paris-Descartes, de l’Université Paris-Diderot et de l’Institut Imagine à l’hôpital Necker- Enfants malades, viennent de montrer que cette protéine pourrait être la prochaine cible dans le cadre de traitements par immunothérapie chez les patients atteints de cancer et d’autres maladies.
Ces résultats ont fait l’objet d’une publication dans la revue scientifique Nature Genetics, lundi 29 octobre 2018.
Les chercheurs ont montré que lorsque la protéine TIM-3 est supprimée ou inactive, le système immunitaire devient complétement déréglé et les lymphocytes T sont suractivés de façon incontrôlée – résultant en une forme rare de lymphome (cancer des lymphocytes): lymphome T sous-cutané de type panniculite (LTSCP).
L’équipe a identifié deux mutations fondatrices à l’origine de ce syndrome, qui agissent directement sur la protéine TIM-3 en l’empêchant de s’exprimer à la surface des lymphocytes, et donc d’attaquer les cellules cancéreuses. Ils se sont également aperçu, au fil des recherches, que cette forme de lymphome associée à la suractivation de la réponse immunitaire était un syndrome plus répandu qu’ils ne le pensaient. Les deux mutations ont été trouvées chez des personnes d’origine est-asiatique, australienne, et polynésienne ainsi que chez patients d’origine qu’européenne.
Ces travaux sont partis du constat par les équipes de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) et de l’Hôpital de Montréal pour enfants du CUSM (HME-CUSM), de la présence chez un frère et une sœur de la même forme rare de lymphome. Après séquençage de leurs génomes, les chercheurs découvrent alors que les deux patients sont porteurs de la même mutation sur un gène appelé HAVCR2 qui code pour TIM-3 et qu’elle a été transmise par leurs parents.
En échangeant avec des collaborateurs en Australie et en France, les équipes s’aperçoivent qu’ils ont eux aussi des cas similaires de patients qu’ils avaient identifiés comme porteurs de la même mutation (Tyr82Cys), qui semblent pour la plupart être de descendance est-asiatique ou polynésienne. Une autre mutation (Ile97Met), sur le même gène, est identifiée chez des patients d’origine européenne. Une étude fonctionnelle de ces mutations, menée à Paris, confirme leur responsabilité dans cette nouvelle maladie génétique. En tout, ce sont 17 cas pédiatriques et adultes qui font l’objet de cette publication scientifique.
« La découverte de cette mutation a permis de mettre en lumière un mécanisme jusqu’alors non décrit qui permettait d’expliquer à la fois la présentation clinique et l’évolution très particulière de ces lymphomes sous traitements immunosuppresseurs », explique le Dr David Michonneau, du service d’hématologie-greffe de l’hôpital Saint-Louis AP-HP et de l’université Paris Diderot.
Pour le Dr Geneviève de Saint Basile, du laboratoire « Base moléculaire des anomalies de l'homéostasie immunitaire » Inserm à l’Institut Imagine et du centre d’étude des déficits immunitaires de l’hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, les résultats de cette collaboration démontrent le rôle régulateur de la molécule TIM-3 chez l'homme et apportent également des arguments forts pour reconsidérer cette entité comme une pathologie inflammatoire plutôt que maligne et pour favoriser l’emploi d’immunosuppresseurs dans son traitement.
Le Dr Nada Jabado, chercheuse et hémato-oncolongue à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill à Montréal, conclut ainsi que « Pour ces patients atteints de cette forme rare de lymphome, nos résultats renforcent l’utilisation de traitements immunosuppresseurs qui vont donner de bien meilleurs résultats et moins d’effets secondaires que les chimiothérapies cytotoxiques».
Les chercheurs tentent maintenant de voir si des patients atteints de maladies auto-immunes comme le lupus – maladie où le système immunitaire se retourne contre l’organisme lui-même – n’auraient pas de dysfonctionnement au niveau de TIM-3. Il y aurait également des perspectives prometteuses pour le traitement et la compréhension de maladies infectieuses comme le VIH/Sida ou même le paludisme.
Source :
Tenzin Gayden 1,31, Fernando E. Sepulveda 2,31, Dong-Anh Khuong-Quang 3,4,31, Jonathan Pratt1,31, Elvis T. Valera 1,5, Alexandrine Garrigue2, Susan Kelso6,7, Frank Sicheri6,7, Leonie G. Mikael1, Nancy Hamel8, Andrea Bajic 1, Rola Dali9, Shriya Deshmukh10, Dzana Dervovic6, Daniel Schramek6,7, Frédéric Guerin2, Mikko Taipale7, Hamid Nikbakht 1,9, Jacek Majewski 1,11, Despina Moshous 12, Janie Charlebois13, Sharon Abish13, Christine Bole-Feysot14, Patrick Nitschke 15, Brigitte Bader-Meunier12, David Mitchell13, Catherine Thieblemont16,17, Maxime Battistella17,18, Simon Gravel11, Van-Hung Nguyen19, Rachel Conyers3,4, Jean-Sebastien Diana12, Chris McCormack20,21, H. Miles Prince22, Marianne Besnard23, Stephane Blanche12, Paul G. Ekert 3,4, Sylvie Fraitag24, William D. Foulkes 1,8, Alain Fischer12,25,26, Bénédicte Neven12,26,32, David Michonneau 17,27,32, Geneviève de Saint Basile 2,28,32* and Nada Jabado 1,29,30,32*